Séminaire Genre & Paix, Apport des Épistémologies Féministes
L’adoption en octobre 2000 de la résolution 1325 par les 192 États membres de l’ONU marque un tournant normatif majeur pour l’organisation. En prônant l’inclusion des femmes et de la société civile dans les processus de paix ainsi que la prise en compte des enjeux de Genre, la résolution promet une approche plus inclusive de la paix. L’ajout aux principes R2P (responsabilité de protéger) d’une dimension genrée prévoyant la protection et prévention des violences sexuelles, témoigne de cette ambition.
Pour autant, à l’heure du bilan, Marie Saiget constate que la résolution 1325 n’a pas eu les effets escomptés. En se basant sur le dernier numéro du journal Questions Internationales : L’ONU, le genre et la paix : un regard empirique sur les transformations du multilatéralisme, qu’elle a dirigé, elle constate le peu de rigueur, cohérence et de volonté politique des parties prenantes à traduire ses engagements en actions concrètes. La diversité sémantique et le flou conceptuel entourant la résolution 1325, contribue à faire de cet agenda une coquille vide, sans vocation transformative. Les femmes y sont superficiellement inclues selon le principe du « add women and stir[1]» qui ne s’attaque nullement aux racines structurelles des violences sexistes ce qui en retour ne permet pas leur prévention. Non seulement marginale, la participation des femmes à l’agenda est réduite selon une logique néocoloniale au rôle unique de victimes, bénéficiaire de l’aide humanitaire occidentale. Marie Saiget note d’ailleurs que le recours à l’affect et aux émotions, joue un rôle paradoxalement central dans l’essentialisation des femmes et la (dé)politisation des violences sexuelles.
Au-delà du langage et des émotions, c’est l’application concrète de l’agenda « femmes, paix et sécurité » qui intéresse la chercheuse. Elle note, à ce sujet, que les institutions onusiennes ont tardé à s’emparer des questions internes de violences sexuelles commises par les casques bleus et par ses fonctionnaires sur le terrain alors même que des témoignages avaient déjà largement été recueillis, en RDC notamment. Ce manque de réactivité est aussi notable parmi les gouvernements des états Membres qui demeurent relativement indifférents face à cet agenda. Dans le cas de la France, le peu de fois où les ministères s’en saisissent, cette application ressemble davantage à de l’étiquetage et du recyclage qu’à de réels efforts de développement d’une politique féministe.
Lorsqu’il n’est pas désavoué, l’agenda femmes paix et sécurité est convoité comme argument de supériorité morale dans le cadre de conflits idéologique sur l’échiquier géopolitique mondial. Instrumentalisé et vulnérable aux changements politiques, il est désormais plus que jamais menacé par le retour à la tête de la maison blanche de Donald Trump, qui s’est attaqué à USAID dès les premiers jours de son mandat. Dans le même temps, l’influence politique grandissante des partis populistes d’extrême droite en Europe, interroge sur le risque d’instrumentalisation de l’agenda au profit de politique fémonationaliste raciste. Se pose alors la question de comment réformer cet agenda et garantir son utilité réelle sur le terrain pour les acteur.ices locales de la paix.
[1] Expression souvent utilisée en anglais pour critiquer la forme de participation des femmes dans les processus politique, organisé de manière superficielle : « Ajoute des femmes et mélange le tout »
Rapport de séance rédigé par : Clara ETCHENIQUE, Chargée d’appui au séminaire Genre et Paix
Pour aller plus loin…
- Podcast RFI 8 milliards de voisin, comment inclure davantage les femmes et les jeunes aux processus de paix : avec Katrina Leclerc, co-fondatrice et conseillère au sein de la Coalition canadienne Jeunesse, Paix et Sécurité
- Emission TV5 Monde, Les Mots de la Paix : Femmes
- Podcast Interview de Kaayva Asoka, The role of NGOs in the WPS Agenda,
Dessin digital Maddie McCall, December 2022